MARINIERS DE GIVORS ET CROCHETEURS DE RIVE-DE-GIER TRANSPORTS EN RHÔNE
C'est en 1825 que fut fondée la Société de bienfaisance des patrons, mariniers, voituriers par eau et « tacquiers » de la ville de Givors. « Si l'amour du prochain fait un devoir aux hommes de se secourir les uns les autres et de s'aider dans le besoin, lit-on dans le préambule du règlement, comment remplir ce devoir sans la réunion et le concours d'un certain nombre d'hommes imbus de ce principe? C'est pour se secourir dans le malheur, les maladies, la vieillesse et les infirmités que les fondateurs de cette Société ont fait et arrêté les articles du présent règlement. Ainsi, chaque sociétaire doit bien se pénétrer des devoirs qui lui sont imposés et prouver par la régularité de sa conduite qu'il a saisi l'esprit des fondateurs. Devenir meilleur, être bon père, bon époux, bon fils et bon camarade, c'est le but sur lequel ils doivent avoir les yeux constamment fixés. »

Le règlement prévoyait un droit de réception de 5 francs et une cotisation mensuelle de 3 francs, avec amende en cas de retard. A soixante ans, on recevait une pension de 30 fr. par mois. La veuve d'un sociétaire recevait une pension de 15 francs, réversible sur les enfants jusqu'à l'âge de 14 ans. L'indemnité de maladie était fixée à 1 fr. 50 par jour (à 2 fr. 25 quand le sociétaire se trouvait hors de son domicile). Les frais de funérailles et de sépulture étaient à la charge de la Société, ainsi que la messe solennelle corporative le jour de la Saint-Nicolas (6 décembre).

J'ai signalé deux délibérations relatives au monopole des crocheteurs ou débardeurs du canal de Givors. La première, en 1830, se rapportait à une demande de la Compagnie du canal tendant à la suppression de ce monopole légal, établi en 1782, ou, du moins, à une modification considérable dans les tarifs, dont l'élévation gênait le trafic. La Chambre consultative des Arts et Manufactures de Saint-Etienne était hostile, en principe, aux monopoles. Mais il y avait une longue possession de fait et elle déclara surseoir à délibérer jusqu'à ce que le Préfet ait entendu la Corporation.


La deuxième délibération est de 1882. Les crocheteurs revendiquaient le monopole des manutentions, non seulement sur le canal, mais pour le chemin de fer. Ils étaient de 150 à 200. La Chambre consultative donna un avis défavorable à cette prétention excessive.

On voit que les traditions des jurandes et des maîtrises étaient restées vivaces à Rive-de-Gier.

A la remonte du Rhône, des équipages de quatre-vingts chevaux halaient quatre bateaux chargés à 60 tonnes. Quelques-uns étaient de six et sept bateaux. Mais les arrivages étaient retardés par les crues. On préférait le transport par terre, plus sûr, quoique plus coûteux. En 1825, Seguin, Montgolfier et Dayme, d'Annonay, formèrent une société, dont le capital était composé de 1.000 actions de 10.000 francs, pour le halage à la vapeur d'Arles à Lyon (2). Un remorqueur remontait trois bateaux entre Givors et Lyon, portant 210 tonnes. Le coût de ce transport par tonne était descendu de 1 fr. 50 à 1 fr. (3). Mais, en 1828, la Société accusait 62.000 francs de déficit. Elle ne tarda pas à sombrer. La navigation directe à la vapeur, comme premiers essais échoua également (4). J'ai dit que la Compagnie du canal de Givors employa des remorqueurs à vapeur à partir de 1884 (5).

M. Leseure a donné le détail des prix de transport, de Rive-de-Gier à Lyon et à Mulhouse, vers 1831 et 1835 (p. 167-168). Pour Lyon, ce prix ressortait à 4 fr. par tonne par le canal et le Rhône, à 3 fr. 90 par le chemin de fer et le Rhône, à 4 fr. 80 par le chemin de fer; pour Mulhouse, à 31 ou 32 fr. La tonne de malbrought (tout-venant) valant à Rive-de-Gier sur le port, 14 fr. 50, revenait ainsi, à Lyon, à 18 ou 19 fr. à Mulhouse, à 47 ou 48 fr.

Les bateaux du canal pouvaient descendre le Rhône.

Cinquante ans plus tard. un journal local disait, au sujet de la navigation du Rhône (Mémorial de la Loire, 28 décembre 1888) :

En dehors du halage par chevaux ou mulets, un seul système de touage fonctionne aujourd'hui sur le Rhône, c'est celui de remorqueurs à grappins de Verpilleux. Mais quand le lit du fleuve est trop mou, trop dur ou trop profond cette roue-grappin fonctionne mal et a de fréquentes avaries. De plus il y a une perte considérable sur le travail moteur. M. Dupuy de Lôme préconise le touage par la chaîne sans fin.